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Photo du rédacteurAnne Laure

Pour une réouverture des écoles la plus large possible

Lettre ouverte à la mairie envoyée le 20/05 dernier, par les parents oubliés par les priorités. Version anonymisée




Alfortville, le mardi 19 mai 2020

A l’attention de M. le Maire,

A l’attention de M. le Député,

A l’attention de Mme la Directrice des Familles,

A l’attention de tous les directeurs d’écoles élémentaires d’Alfortville,

A l’attention de l’Inspection Académique du Val de Marne,

A l’attention du Rectorat de Créteil,

A l’attention d’I. S., protection de l’enfance

Cher tous,

Nous ne sommes pas des enseignants ni des psychologues. Nous sommes simplement des parents, en minorité certes mais dont la voix n’est que peu entendue, qui pensent que la balance entre le risque lié au virus et les avantages psychologiques de la reprise de l’école penche en la faveur de cette dernière et souhaitent le retour à l’école le plus large possible.

Nous ne sommes pas des parents indignes qui faisons passer les finances avant la santé de nos enfants, car nous pensons que cette maladie n’est pas aussi dangereuse pour eux, et les sociétés savantes de pédiatrie en pensent autant. Nous avons constaté que l’accueil des enfants de soignants s’est bien passé, sans révéler aucun cluster ni suspicion d’enfants infectés par l’école dans notre ville. Et pourtant, il n’y avait pas de protocole sanitaire, seulement du bon sens!

Nous sommes des entrepreneurs, des indépendants, des télétravailleurs, qui ne bénéficient pas du chômage partiel de l’Etat et qui ne peuvent pas assumer à la fois l’école à la maison, la garderie à la maison, et continuer à travailler pour subsister.

Nous sommes des parents solo, qui ont été effacés de la liste des critères, et pourtant nous devrions être prioritaires.

Nous sommes pressés par nos employeurs pour savoir quand nous pourrons retourner travailler sur site, afin qu’ils s’organisent, et nous ne pouvons pas leur répondre car nous n’avons aucune visibilité sur l’école et son fonctionnement ni sur le périscolaire de cet été.

Nous ne pensons pas que cela ne sert à rien de reprendre le chemin de l’école pour un mois à peine. Nous sommes sûrs que pour certains enfants, plus long sera le temps passé hors de l’école, plus dure sera la reprise. Et quasi six mois de déscolarisation (de mars à septembre) vont être catastrophiques, surtout que l’année scolaire 2019-2020 avait déjà été bien perturbée par les grèves à répétition.

Nous demandons à ce que la reprise annoncée sur la ville d’Alfortville le 25 mai soit la plus large possible et que tous les enfants dont les parents souhaitent le retour à l’école aient une place.

Nous demandons à ce que le dispositif Santé, Sport, Culture et Civisme soit activé le plus rapidement possible dans notre commune.

Nous demandons à avoir rapidement de la visibilité sur les accueils périscolaires de cet été.

Nous demandons une communication positive axée sur la confiance, sur les faits et non sur la peur et la culpabilisation.

Parce que nous pensons que l’apprentissage n’est pas le seul et unique but de l’école et qu’il est tout aussi primordial pour nos enfants d’être avec d’autres enfants.

Parce que pour nous, la socialisation des enfants est capitale pour leur développement et qu’elle a été oubliée par les mairies, les inspections académiques et les équipes pédagogiques lors de cet épisode. Si la socialisation n’était pas aussi importante, pourquoi avoir passé une loi sur l’obligation de scolarisation à partir de 3 ans ? Sinon, pourquoi ouvrir des classes de TPS ?

Parce que nous allons devoir vivre avec ce virus, qui n’aura pas disparu en septembre ni en 2021. Alors autant expérimenter avec confiance aujourd’hui pour avoir plus de concret à la rentrée !

Nos enfants ont été extrêmement déçus lorsque le 14 mai nous leur avons annoncé qu’ils ne retourneraient pas en classe la semaine d’après, ni « bientôt ». Ils avaient bien compris que ce ne serait pas pareil, que la maîtresse aurait un masque, qu’ils devraient se laver très souvent les mains et qu’ils ne pourraient pas s’approcher trop près de leurs camarades ni faire des jeux avec eux. Mais « l’école leur manque trop », ils veulent surtout « revoir leurs copains ». Juste cela et tant pis s’ils n’apprennent rien, tant pis si ce n’est pas l’école comme avant. Simplement être avec d’autres enfants au même endroit au même moment !

Mais comment ce droit essentiel à être ensemble a-t-il pu leur être nié à ce point lors de ce débat pour la reprise de l’école ? Il est important pour nos enfants de refermer la parenthèse de cette crise sanitaire afin de reprendre le chemin d’une vie plus normale. Certes, ce ne sera plus totalement comme avant car nous devons apprendre à vivre avec le virus. Les grandes sections ou les CM2 n’ont-ils pas le droit de dire au revoir à l’école qu’ils quittent, à leur instit, à leurs copains avant l’été ?

Les premiers sondages des directeurs nous demandaient si nous souhaitions remettre les enfants à l’école. Puis les critères n’ont cessé de se restreindre au fur et à mesure des échanges entre vous, les différentes parties prenantes, pour se réduire finalement à peau de chagrin, car vous avez mixé les recommandations sur les classes prioritaires avec les personnels essentiels. Et a laissé de côté bon nombre d’enfants dont les parents ne font pas partie des professions prioritaires, mais dont l’emploi même est menacé par la non prise en charge de leurs enfants. Comme les familles monoparentales, les couples en professions libérales, les indépendants, les (auto) entrepreneurs, les artisans, commerçants...Tous ceux dont la rémunération dépend du temps qu’ils peuvent consacrer à leur travail, ce qui devient impossible en gardant leurs enfants à la maison. Au nom de quoi vous imposez-nous de faire un choix entre l’instruction de nos enfants et la qualité de notre travail ?

Certains parents d’enfants pourtant prioritaires car avec une continuité pédagogique aléatoire (voire inexistante) ne se sont pas déclarés pour le retour à l’école. Peut-être seront- ils plus enclins à le faire s’ils savaient que l’école redevient la norme et l’instruction à la maison l’exception ?

Par ailleurs, les médias se sont fait l’écho des violences intra-familiales durant cette période. Nous attirons aussi votre attention sur la nécessité pour les enfants de retrouver le chemin de l’école qui, pour certains, est un espace de sécurité physique et psychologique. Pour d’autres parents, ce temps d’école est une soupape de décompression, un relais nécessaire dans la parentalité, d’autant plus lorsqu’elle est exercée par un seul parent. Non, le télétravail n’est pas synonyme de disponibilité pour son enfant.

Pourtant, la circulaire de l’Education Nationale parue au B.O. le 7 mai ne comporte aucun critère de priorisation pour l’accueil des enfants, uniquement pour la constitution de « groupes multi-niveaux ». Non, la circulaire comme le gouvernement parlent de libre choix des parents… Où est notre libre choix aujourd’hui ?

Pourquoi et comment avez-vous institué ces critères ? Vous trouverez en annexe un récapitulatif de l’information reçue et l’évolution des critères. Vous comprendrez peut-être mieux ainsi notre incompréhension et notre désarroi.

La même circulaire indique que “les élèves dont les classes sont structurellement inférieures à 15 élèves, notamment les classes en milieu rural et les CP et les CE1 dédoublés des réseaux d'éducation prioritaire, sont scolarisés sur l'ensemble du temps scolaire de leur école dès lors que la configuration des locaux le permet”. Ce qui est le cas des écoles primaires Lapierre et Montaigne. Mais ces écoles n’ont même pas rouvert !

Nous comprenons qu’il soit compliqué de mettre en place une organisation conforme au protocole dans un grand établissement de 200 ou 300 élèves. Mais dans des petites maternelles ? Ah non, il faut bien compenser l’absence d’instituteurs et/ ou des personnels communaux dans les autres écoles. C’est sûr que le discours ambiant culpabilisant les parents, de crispation sur le protocole et son application qui serait impossible rend le libre arbitre plus compliqué.

Le résultat est une situation ubuesque, un cercle vicieux : des écoles ne peuvent pas ouvrir par manque de personnel pédagogique et communal (Atsem, entretien), qui sont pourtant prioritaires pour leurs enfants… On ne peut pas leur en vouloir, mais pourquoi ces places n’ont-elles pas été réallouées à d’autres enfants dont les parents avaient besoin pour travailler ? Parce que les jauges ont été fixées de façon à n’accueillir que ces enfants des personnels essentiels, sans avoir à se poser la question d’une alternance. Dans quel puits sans fond le concept de roulement évoqué un temps a-t-il disparu ?

Comment briser ce cercle ? Est-il totalement impossible de trouver des bonnes volontés, à la Ligue de l’Enseignement, dans les associations sportives et culturelles dont la ville regorge, pour s’occuper de nos enfants ? Leur a-t-on seulement posé la question ?

Nous souhaitons que soit remis du bon sens et du sens pratique dans l’organisation de la reprise. Le risque zéro n’existe pas ; nos enfants ont attrapé la varicelle, des otites, des poux, des bleus, des bosses, des points de suture, les oreillons, des rhumes, des éraflures, des saignements de nez, …. Ils sont tombés du toboggan, sur un radiateur non protégé, des chaises, des tables, le sol,... Et pourtant ils sont retournés à l’école, sans aucune protection.

Ce virus nous a montré qu’il ne se comportait pas comme on l’attendait. Le gouvernement s’est adapté au fur et à mesure de l’apprentissage sur ce virus. Pourquoi les institutions ont-elles autant de mal à en faire autant ?

Nous pensons qu’il est temps de travailler en mode collaboratif, en incluant beaucoup plus les parents et la communauté au sens large. Il est temps de penser out of the box et de trouver des solutions alternatives. Pourquoi ne pas faire cours dans la cour ? Pourquoi ne pas réquisitionner les gymnases fermés, les aires de jeux condamnées et autres espaces clos pour les mettre à disposition des écoles en manque de locaux ?

Le protocole n’empêche pas à un instituteur de parler aux enfants, de les faire parler et d’échanger. En maternelle, de les faire chanter, ou d’apprendre des poésies ensemble. De faire du bricolage ou du découpage chacun dans son coin. Ni même de jouer. Il est possible, même en maternelle, que chaque enfant utilise le même matériel.

Il est temps que cesse la grève du zèle pour certains et l’excès de zèle des autres pour que nos enfants reprennent la place qui est la leur : sur les bancs de l’école.

Des parents d’élèves et représentants de parents d'élèves responsables et réalistes

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